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  • Photo du rédacteurNassira Belloula

La Fantasia : pratique ancestrale algérienne


La Fantasia est attestée en Algérie dans sa version originale au sein même de la Numidie or à l’époque même de l’antiquité. C’est une technique de guerre exécutée par les cavaliers de Massinissa, le roi de la Numidie orientale avec d’étendre son royaume à la Numidie occidentale. C’est une technique d’attaque et de replis propre aux cavaliers numides.



Puis, progressivement, nous suivons l’évolution de la Fantasia avec son nom actuel apparût après la colonisation grâce à Eugène de la Croix. Autrefois, la Fantasia s’appelait « El baroud » (poudre) ou les jeux des chevaux. Elle est attestée dès le 16e siècle en Algérie, selon les historiens et voyageurs surtout arabes dans la région du Maghreb central qui était l’Algérie. Et, nous savons tous que le nom du Maghreb englobait essentiellement la Tunisie, l’Algérie et le Maroc bien sur la Libye. Le fait que le Maroc s'est approprié un nom commun à toute une région dans les années 50 crée des confusions et des amalgames du fait que l'Histoire de l'Afrique du Nord est très souvent écrite et évoquée sous le nom du Maghreb ou EL Maghrib.


Les premières représentations de la fantasia ont été picturales, dessins et peintures. Et, c’est en 1530 que nous arrivent les premiers dessins sous le crayon du peintre flamand Jan Cornelisz Vermeyen (1500-1559). Intitulé a posteriori « Une fantasia à Tunis", et éventuellement ses deux autres dessins, intitulés "Tournoi militaire à Tunis , les trois exécutés lors de la conquête de Tunis en 1535 par l’empereur Charles Quint.

Cependant, la Fantasia en Algérie relève indirectement d'une tradition équestre berbère très ancienne, à mettre en rapport avec l'introduction du cheval barbe dans le pays dès le XIIIe siècle av. J.-


Elle est pratiquée et attestée dans de nombreuses sources allant de récits de voyageurs, à des historiens, écrivains, peintres, touristes ou encore des éléments de l’armée française. C’est tout un pan de l’Histoire culturelle et traditionnelle de l’Algérie qui réside dans ces exhibitions équestres d’une grande dextérité et habilités de tradition militaire ou guerrière.


Si Eugène Fromentin a peint une fantasia algérienne en 1869 une huile qui se trouve actuellement au musée Sainte-Croix, Poitiers, déposé par le musée d’Orsay et dans son œuvre « Une année dans le Sahel » (en Algérie). D’autres peintres plus contemporains vont aussi immortaliser cette grande manifestation. Aujourd'hui encore se pratique dans toutes les régions d’Algérie, de l’Aurès, l’épicentre de la Numidie vers l’Ouest algérien et le Sud, Tlemcen, Tiaret, Mascara, Saïda, Hodna, Oasis, Dahra, Titteri, Sersou, Saoura, Tafna et Sahara. La Fantasia accompagne toutes les fêtes religieuses, culturelles, traditionnelles, et sociales comme les mariages.


Il suffit de consulter la presse algérienne pour voir l'ampleur et l'intérêt accordée à la Fantasia algérienne.


En 1839, lors de son escale à Boutlelis dans l’Oranie, l’auteur J. A. Bolle décrit ainsi cette exhibition équestre : « Les cavaliers se donnent aussi souvent le plaisir d’exécuter des phantasias, exercice qui consiste à faire faire des bonds, des sauts et des cabrioles à son cheval, à le faire caracoler, se cabrer, ruer, hennir, piaffer avec colère, blanchir son mors d’écume» (voir son livre Souvenirs de l’Algérie ou relation d’un voyage en Afrique de J. A. Bolle).


Eugène Fromentin y revient plus généreusement dans son livre « Une année dans le Sahel » algérien, publié en feuilleton entre en 1858, en volume en 1859 : « Le premier départ fut magnifique; douze ou quinze cavaliers s’élançaient en ligne. C’étaient des hommes et des chevaux d’élite. Les chevaux avaient leurs harnais de parade; les hommes étaient en tenue de fête, c’est-à-dire en tenue de combat: culottes flottantes, haïks roulés en écharpes, ceinturons garnis de cartouches et bouclés très haut sur des gilets sans manches, de couleur éclatante. Partis ensemble ils arrivaient de front, chose assez rare pour des Arabes, serrés botte à botte, étrier contre étrier, droits sur la selle, les bras tendus, la bride au vent, poussant de grands cris, faisant de grands gestes, mais dans un aplomb si parfait, que la plupart portaient leurs fusils posés en équilibre sur leur coiffure en forme de turban, et de leurs deux mains libres manœuvraient soit des pistolets, soit des sabres. »


18 septembre 1860, une fantasia a été organisée en l’honneur de Napoléon III, le 18 septembre 1860, à Maison-Carrée, dans les environs d’Alger, dans laquelle on a pu compter entre six et dix mille cavaliers. C’est Edmond Morin, peintre et illustrateur français mort en 1882 qui a conservé le souvenir de cette charge de ces brillants cavaliers jonglant avec leurs armes et passant devant l’Empereur. Il avait écrit alors « Ce n’est pas un peuple, c’est une armée ». Fernand Giraudeau a rapporté cet événement dans son livre Napoléon III intime en 1895.


Maintenant que disent les voyageurs qui ont traversé l’Algérie soit durant un voyage d’agrément, de travail, peintre, écrivain, historiens ou simples témoins.


« Voyage de Leurs Majestés en Algérie » en 1860, page 31


« On a cent fois décrit cette course folle de quatre ou cinq cavaliers lançant leurs bêtes à toute vitesse, les maintenant de front comme l'attelage d'un quadrige, d'une main brandissant leur sabre, de l'autre déchargeant leur fusil, le faisant tournoyer en l'air, le reprenant, revenant sur leurs pas et recommençant toujours avec le même plaisir, avec la même ardeur, si longtemps que dure la poudre ».


En Algérie par Mme A.Gaël, 1881 « De tous les spectacles que je n’aie jamais vus, le plus émouvant, le plus enivrant est bien la Fantasia ! et, je ne crains pas de l'affirmer, un membre du Congrès de la paix, lui-même, subjugué par ses charmes fantastiques, sentirait, ne fut-ce qu'un instant, s'éveiller en lui l'ardeur guerrière de nos pères les Gaulois. » (page 50)


« Le Cheval algérien : élevage, dégénérescence, amélioration, institutions hippiques... » / par H. Vallée de Loncey, 1889 : « Si vous avez eu la bonne fortune d'y assister, vous avez eu une image exacte de la fantasia telle qu'elle se pratique en Algérie ». Page 143.


Gaston Bonnefont ; deux petites touristes en Algérie, 1890, « Ils venaient de parvenir au sommet de la hauteur, lorsque Numa appela l'attention de son oncle sur un groupe de cavaliers qui galopaient dans une étroite plaine, dont on pouvait embrasser du regard toute l'étendue.

— C'est une fantasia, dit M. Badourot.

— Une fantasia?

— Oui. La fantasia est un divertissement qui est surtout en honneur dans la province d'Oran, mais qu'on ne dédaigne pas, comme tu vois, dans celle d'Alger, où toutefois il se réduit à des proportions beaucoup moindres. — C'est une cavalcade furieuse, un jeu national. » (page 65)


Lieutenant O. de La Bourdonnaye Dans le bled, esquisses algériennes 1905 « Fantasia vient de fentasi, fier, orgueilleux. Le terme propre est melab qui signifie hippodrome » il poursuis : « Qui dit fantasia exprime en même temps la joie, une joie exultante, où la poudre fait ricaner l'âme des fusils. Comme chez les autres peuples, le bruit est un indice de réjouissance. Des cavaliers se détachent successivement de la ligne des fourrageurs, le fusil déjà en main, occupée à garnir l'intérieur de poudre qu'ils prennent dans une poire suspendue à leur ceinture ». (page 83).


Maintenant voyons quelques titres de journaux de l’époque : L’écho de Tiaret le programme de la journée de dimanche 23 septembre 1923 : « A 8 heures grande fantasia Kabile et Mozabite, à 11 heures : Apéritif-Concert. De 14 à 16 heures : Grande Fantasia et jeux divers ».


« Armée et marine : revue hebdomadaire illustrée des armées de terre et de mer », jeudi le 17 novembre 1904 : « La fantasia tunisienne a un caractère moins militaire : tant par les exercices que par les costumes elle se rapproche davantage des tournois du moyen âge. » « Il importe de distinguer, pour les fantasias entre l’Algérie et la Tunisie, ici ce sont généralement des cérémonies de grand apparat ».


En 1861 lors de l’expédition française au Mexique en 1861 en Ukraine en 1853, l’armée française qui recrutait les cavaliers algériens, avait mentionné que la Fantasia est algérienne.


La fantasia a même été transportée en Nouvelle-Calédonie avec l’arrivée des déportés algériens, elle s’y perpétue depuis la fin du XIXe siècle.


Évidemment, il est impossible d’énumérer dans un article ou un petit texte tous les témoignages, récits, écrits journalistiques ou militaires qui attestent de la Fantasia ou Baroud en Algérie. J’ai vu défiler quelque 350 documents en quelques heures relatifs à la Fantasia en Algérie sans approfondir davantage les recherches.


Maintenant, comment peut-on attribuer un patrimoine à un pays, alors qu'il n'est pas le sien ou commun à toute une région ? L’UNESCO dans son rôle de protecteur de patrimoines propres à certains pays ne doit pas négliger le fait qu’elle peut justement dépouiller certains pays notamment de leurs patrimoines. Aujourd’hui, nous savons que le Maroc a déclaré une guerre culturelle à ses voisins notamment l’Algérie. Et, L'UNESCO doit tenir compte des spécificités propres à la région de l’Afrique du Nord connu sous le nom du grand Maghreb où les patrimoines migrent. Souvent, ils migrent de l’Algérie vers le Maroc comme l’attestent les sources historiques pour beaucoup de biens immatériels comme les musiques, pratiques vestimentaires, alimentaires, etc.


Demain, des générations d’Algériens regarderont se dérouler les fantasias ; un patrimoine pourtant ancestral qui ne leur appartiendra plus. Et, elles se demanderont quel rôle ont joué de grandes institutions mondiales dans le fait qu’ils en soient privés d'y jouir et de s'y identifier.


N’est-ce pas ce rôle justement qui incombe à l’UNESCO de protéger un patrimoine oui, mais pas en l’attribuant à un pays spécifique. Et, ce n’est pas, car il a déposé un dossier auprès de l’UNESCO pour en jouir qu’il a de la légitimité. Sinon à quoi sert un organisme chargé de la protection qui cautionnerait de tels agissements qui dépouillent des pays voisins d’un patrimoine parfois commun, et parfois non marocain.


À ce rythme un bien grand nombre de patrimoines nord-africains passeront côté marocain. Les États membres signataires des conventions de l’UNESCO ne peuvent pas se déclarer la guerre par dossiers interposés, car l’UNESCO est un organisme régulateur qui reste le pilier fiable et neutre de sauvegarde et protection des patrimoines des uns et des autres.

Or, aujourd'hui, après la guerre du couscous, du raï, se profile le dépouillement de l'Algérie et de la Tunisie et Libye d'un patrimoine qui est célébré et pratiqué dans chacun de ces pays. Demain ce sera la musique andalouse, El Gharnatiya, la djeba fergani et Dieu sait quoi encore.



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