On ne lit pas ce livre-témoignage comme un livre ordinaire. On le lit avec de l’émotion, des palpitations, des curiosités, et parfois, on essaye de lire entre les lignes, lorsqu'une pudeur légère freine la pulsion d’écrire, de tout lâcher sur le papier. C’est mon ressenti en suivant Yamina -je me permets de la tutoyer- ne l’ai-je pas accompagné durant six ans dans les maquis des Babors, à Sétif et Jijel. Là où elle livrait combat pour sauver ses djounouds et pour soigner une population privée et martyrisée par les affres de la misère et par la répression de l’armée française. Elle nous raconte sa guerre, qu’on découvre sous son regard de femme, d'infirmière et de combattante. Rares sont les témoignages émanant des femmes ayant participé corps et âme à la révolution. Le sien est plus que nécessaire, si nécessaire qu’on se demande pourquoi avoir attendu si longtemps pour l’écrire. Elle me répond presque dans l’incipit : « Je me suis peu exprimée durant plusieurs décennies. Amnésie volontaire ? Craintes de réveiller de vieilles douleurs ennemies ? Sentiment commun à la majorité écrasante des moudjahidines, et surtout des moudjahidates ; il n’y avait rien de spécial à dire, que nous avions simplement accompli un devoir et répondu aux impératifs de notre temps ». Dans « Six ans au maquis », elle nous livre son parcours, s’attardant sur l’héroïsme et courage de ses compagnons femmes et hommes. Elle nous raconte sans fioriture, sans paroles superflues, sans trop de description et de narration, l’essentiel : les mots qu’il faut, ceux qui mettent en exergue son vécu dans le maquis, le parcours de moudjahidines, de médecins, d’infirmières surtout, ces soldates de l’ombre. Elle écrit les faims, les souffrances, les blessures, subissant ratissages et bombardements. Elle nous demande de la suivre dans son quotidien, l’attaque des puces, le froid, les brûlures au napalm, les casemates et les hôpitaux itinérants qu’elle doit installer dans des maisons, des grottes… etc. Elle se tient le cœur en évoquant les amitiés fugaces, par faute de guerre et de mort : Malika Gaïd, Bachir Benaceur (son époux),
Tout avait commencé alors qu’elle venait de finir ses études d’infirmière à Sétif. Des hommes étaient venus la solliciter discrètement pour soigner des blessés. Elle savait qui ils étaient ; des moudjahidines. Un jour, elle s’était rendue chez un homme pour lui extraire une balle, elle se fait tirer dessus. Sa décision était prise, rejoindre le maquis, elle avait 20 ans et on était en 1956. Elle ne retournera chez elle qu’après l’indépendance. Le plus dur a été de quitter sa mère. Son père ne dira pas un mot. Il accueillera son départ par le silence.
J’ai ressenti toutes les vibrations qui passaient par ses doigts, j’ai ressenti cette énorme fierté d’avoir accompli son devoir, mais j’avoue être restée sur ma faim, sentant que l’auteur s’était forcé à se retenir, tant il manque des détails parfois. Puis, je tombe sur ce qu’elle avait dit lors d’une rencontre « Je garde pour moi certains souvenirs. Je ne suis pas encore prête à les dévoiler. Mais peut-être que je le ferai un jour ». Dommage, car l’écriture est libératrice, et on aurait aimé en savoir plus. Dans l’attente peut-être d’une suite.
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